Celui que tu aimes dans les ténèbres
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Celui que tu aimes dans les ténèbres

Celui que tu aimes dans les ténèbres

 L’art. Ça fait des années que je peins des merdes guillerettes. Ce qui n’a rien de mal. Les gens aiment, et ça m’a ouvert des tas de portes.[…] Je veux autre chose. Quelque chose… de réel. »

Celui que tu aimes dans les Ténèbres chez Urban Comics.

Quand un Cover m’attise telle une affiche de ciné, je prend un ticket direct pour une petite séance bulles et encore mieux si la promesse d’une petite chaire de poule est au rdv.

Skottie Young explore différents thèmes dans un lieu classique typique du film d’horreur, une maison hantée, cependant si on peut penser à « Ghost » sur certains aspects, ce thriller où un amour singulier plane avant de s’installer doucement mais sûrement donne une ambiance oppressante et captivante.

Ambiance presque hypnotique grâce au crayon de Jorge Corona en osmose avec la tension qui s’amplifie au fil des pages.

Un trait vif, une colorisation superbe et un découpage qui donne le ton ! J’ai adoré découvrir les planches et vivre dans cette le temps de savourer ces bulles… enfin de loin ! N’oublions pas que l’hôte qui hante les lieux n’est pas forcément tendre…

Un one shot bien ficelé pour lequel je regrette une fin un brin trop rapide… on peut se poser quelques questions au final et finalement, je me suis dit que la réflexion mise en avant est explicite… et vous, avez-vous l’envie de la découvrir ?

Ah… Rien de mieux que les histoires d’amour. À part les histoires de fantômes. Ou alors les histoires de fantômes amoureux. Ça tombe bien, c’est exactement le pitch de Celui que tu aimes dans les ténèbres.

Rowena, ou plutôt Ro, ça fait moins vieillot, est une artiste peintre à la recherche de son second souffle. Elle loue une maison dans un coin perdu. Une maison hantée d’ailleurs. Sauf qu’après s’être installée, elle n’a toujours pas vu de fantôme ou peint la moindre toile. Malgré tout, elle parle dans le vide à ce fantôme pour tromper sa solitude. Jusqu’au jour où il lui répond! Après la stupeur et l’effroi, Ro va s’habituer à la présence de cet être, à sa générosité envers elle, jusqu’à en faire sa muse. Sauf que les fantômes ne sont pas tous gentils.

Skottie Young ne dessine pas que des super héros mignons ou des ersatz d’Alice au Pays des Merveilles déjantées. Il écrit aussi des scénarios assez complexes. Et là, c’est le cas. Ce qu’on pourrait prendre pour une banale histoire de fantôme se révèle être beaucoup plus et nous conduit vers le terrain glissant de l’emprise mentale et physique. Si le fantôme est tout gentil avec Ro au début, faisant en sorte qu’une vivante tombe amoureuse de lui, le lecteur se rend rapidement compte, lui, que quelque chose ne va pas. Leur relation évolue vers quelque chose d’exclusif, les deux amoureux, amants, passant la totalité de leur temps ensemble. Jusqu’à ce que le fantôme se révèle et empêche Ro de vivre sa vie, de sortir, même. De muse, il passe du côté obscur et en bon pervers narcissique retient celle qu’il « aime » captive, la culpabilisant. Le tout pour finir par de l’intimidation, des violences. Non, Celui que tu aimes dans les ténèbres n’est pas une bluette romantique, mais bel et bien un pamphlet contre les violences faites aux femmes. Rien d’étonnant à ce que Young traite ce thème après nous avoir proposé une thématique sur le harcèlement scolaire dans Bully Wars. Ici, avec peu de dialogues et un volume se lisant rapidement il arrive à impacter le lecteur sans être dans l’explicatif systématique.

Et la partie graphique y est également pour beaucoup. Jorge Corona a beaucoup de planches sans texte, la narration reposant entièrement sur ses dessins. Évidemment, on devine que la hantise de la toile blanche doit parler à un artiste, surtout que l’intégralité du volume propose une colorisation façon peinture par Jean-François Beaulieu. Mais plus que ça, c’est sur les angles choisis et le rythme des cases que le lecteur peut s’attarder et se questionner sur ce qu’il se passe vraiment dans la tête de Ro, tout comme dans son manoir. Corona a un style légèrement cartoony, son héroïne étant affublée de grands yeux larmoyants de chaton. Mais justement, en tranchant avec le propos, ce style en renforce l’impact dans ses séquences les plus violentes.

Plus à la lisière du drame ou de l’histoire d’horreur, ce titre est une véritable découverte et prouve une fois de plus que Young est un très bon scénariste. Une question subsiste cependant : le fantôme existe-t-il réellement en tant que tel ou est-ce une création venue de l’esprit de Ro?


  • Titre: Celui que tu aimes dans les ténèbres
  • Broché : 128 pages
  • Editeur : Urban Comics
  • Langue : Français
  • ISBN :  9791026824343
  • Prix : 16€

 

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