Zenith
C’est sur le seul argument du nom de son scénariste, Grant Morrison, que je me suis attelé à la lecture de Zenith, Tome un. Une chose est sûre, vous n’ouvrirez pas ce volume pour y chercher la lumière.
Tout d’abord, parlons de la première chose qu’on remarque : le dessin. En noir et blanc. Encore, je serais tenté de dire. Je dois être abonné au format. Steve Yeowell nous livre des blanches noir et blanc au style purement 2000AD. Et c’est un peu normal, vu que c’est dans ce périodique qu’était publiée la série à la base. En 1988! Ce qui se ressent aussi sur le style du dessin. On a un trait néanmoins assez recherché au sein de cases parfois un peu fouillis. J’ai également eu l’impression, sur certaines planches, que la deadline arrivait trop vite pour le dessinateur et qu’il a dû se dépêcher de terminer son épisode hebdomadaire, au détriment de la qualité. Attention! Ce n’est pas mauvais. Juste un peu inégal. À contrario, les quelques planches couleurs sont superbes. Un traitement entièrement colorisé de l’histoire aurait certainement donné une autre perspective.
Dans Zenith, nous suivons un héros, le seul héros au monde. Enfin, héros, c’est vite dit! Dans sa petite vingtaine, Zenith profite surtout de ses pouvoirs pour lever des filles et se bourrer la gueule. Au passage, sa notoriété lui permet de sortir des disques qui se vendent plutôt bien. Malgré ça, plusieurs questions subsistent, telles que ce qui est arrivé à ses parents, ou quelle est la limite de ses pouvoirs? Là où les choses vont s’accélérer et changer pour lui, c’est quand la nouvelle incarnation de l’übermensch nazi va se manifester et traquer les super-héros à la retraite.
Dans le traitement de l’histoire, même il y a trente ans, on reconnaît facilement la patte Morrison. Cette incarnation du héros, plus égocentrique qu’altruiste, correspond tout à fait à un traitement réaliste des individus tels qu’on les croise tous les jours. En pleine période Thatcherienne et vraiment ancré dans son époque, ce récit a tout de la chronique sociale. Si Zenith est un super, il n’est pas forcément un héros, et ce sont plus les circonstances que le désir d’aider autrui qui le feront changer. D’ailleurs, l’exploitation de ses dons à des fins égoïstes est très bien vue de la part de l’auteur. S’il est chanteur en 1988, rien n’empêche de l’imaginer faire de la télé réalité ou d’être youtuber en 2016, certaines choses semblant immuables.
Si l’aspect sociétal de l’histoire est bien vu, il risque cependant de ne pas être parlant pour les lecteurs n’ayant pas connu cette époque. C’est là tout le problème, justement, des récits trop marqués chronologiquement dans un passé quasi immédiat.
De plus, il y a vraiment un chose qui m’a gêné dans cette histoire, c’est qu’on a l’impression que Morrison hésite entre les aspects “magie” et “science”. En effet, l’origine des pouvoirs semble être la science pour certains et la magie pour d’autres ; ce qui peut prêter à confusion dans un récit qui se veut réaliste. Du coup, vu qu’on ne lit pas un Dr Strange, cet aspect magie/démons semble être inapproprié. Et même l’auteur semble s’emmêler les pinceaux quand on y rajoute en plus des dimensions multiples…
Zenith se laisse toutefois lire facilement et l’histoire, tout comme le dessin, ne sont pas mauvais. Peut-être un peu trop datés, uniquement. Mon sentiment est donc partagé sur ce titre qui ne restera certainement pas dans les annales mais qui a le mérite de proposer une œuvre différente de ce qu’on peut trouver aujourd’hui.