Strange Fruit
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Strange Fruit

Titre fort attendu et précédé d’une belle réputation, ce Strange Fruit, servi par deux mastodontes du comics, tient-il ses promesses?

Visuellement, les dessins de J.G Jones sont tout simplement à tomber! Peints dans des tons doux, ils arrivent à donner au récit une unité de ton, voguant au fil de l’eau, tout comme la crue du Mississippi racontée dans le volume. Si l’on devait comparer son travail sur ce titre à un autre artiste comics, le premier nom qui me vient à l’esprit est celui d’Alex Ross. Tout comme lui dans Marvels, son trait hyper réaliste vous scotche à votre bouquin et vous attire dans l’histoire. Qui plus est, les faits s’ancrant dans le réel (la crue du Mississippi de 1927, la ségrégation, …), on est en pleine représentation de l’Amérique profonde. Comme dit dans la préface, on pourrait le comparer également à Norman Rockwell, l’innocence en moins.

Dans cette histoire, les protagonistes importent peu, car ils ne sont que la représentation de deux idées de l’Amérique qui s’opposaient au début du 20ème siècle. Cette Amérique où la ségrégation, malgré une abolition de l’esclavage pas toujours acceptée, s’opposait au progressisme et à l’égalité de tous les hommes devant Dieu. Dans cet État où coule le plus long fleuve du pays, frontière symbolique entre le Nord et le Sud, les tensions sont exacerbées par la montée des eaux. Les esprits n’étant pas assez échauffés, un enfant blanc disparaît, portant tous les soupçons sur la population noire de la ville, et plus particulièrement sur le meneur de la fronde contre le “ travail forcé ” des noirs. Les notions d’inégalité et d’égalité vont être chamboulées par l’arrivée d’un géant venu des étoiles, doté d’une force surhumaine, à la peau noire…

Mark Waid nous propose un scénario humaniste pour ce titre. Ses intentions sont bonnes et il ne fait finalement que retracer une “ chronique de la vie quotidienne ” de ce que pouvait être la vie, tant pour les noirs que pour les blancs, en ce temps-là. Adoptant un point de vue (presque) neutre, Waid ne pousse justement pas le propos assez loin. Si sa description de la condition humaine sonne juste, l’arrivée du surhomme semble anecdotique, malgré le fait qu’il soit noir. Il ne change pas les choses, ne suscite finalement pas plus de haine que ça. Finalement, ce n’est pas cet extra-terrestre le plus important, mais cet homme qui manque de payer de sa vie la tentative de sauvetage de l’enfant que tout le monde l’accuse d’avoir tué. Plus que la différence, Waid met l’accent sur la bêtise humaine dans tous les aspects de la vie et sur l’appât du gain, la volonté d’arriver à ses fins, quels que soient les moyens, quelle que soit sa couleur.

J’attendais autre chose de Strange Fruit. Je m’attendais… je ne sais pas. À une attaque virulente contre la ségrégation, à la sublimation de l’être humain face à l’exemple que pourrait apporter cet homme tombé du ciel, sorte de Superman avant l’heure. Finalement, ce n’est pas un message d’espoir qu’apporte l’auteur, mais plutôt un constat de ce que peut faire l’Homme, de pire comme de meilleur. Ce que je retiendrai de ma lecture, ce ne sera pas ça, mais une partie graphique sublime, enveloppant l’histoire et nous présentant des peintures superbes, de noirs, comme de blancs. Sous le pinceau de J.G Jones, tous sont égaux.

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