Zorro : D’entre les morts
Zorro : D’entre les morts
Si tout le monde connaît le héros à la cape noire qui signe son nom de la pointe de son épée sur le bidou du sergent Garcia, c’est que, tout comme moi, vous avez eu droit aux récits de Zorro le justicier masqué à la TV.
Héros populaire, il est une icône de la pop culture dont tout le monde a déjà entendu parler. Forcément, Don Diego de la Vega et son alter ego Zorro sont la figure de proue du justicier défendant les plus démunis face à la force quasi militaire. Il est d’ailleurs étonnant que malgré l’aura du personnage, peu de titres lui soient dédiés. C’est à ma grande surprise, hors roman photo ou BD tirée de la série TV que j’ai lue étant petit, la première adaptation papier que je lis.
La cause ? Sean Murphy ! On connaît le talent du bougre, de The Wake à Batman White Knight, en passant par Tokyo Ghost ou American Vampire. Il s’adapte plutôt facilement à tout type d’histoire et est surtout reconnaissable entre mille.
Bien que les dernières aventures du White Knight m’aient un peu lassé, sa revisite du Batman avait su me convaincre. Du coup, revisiter le Senor Zorro, pourquoi pas !
Avant toute chose, un petit rappel historique pour que cette lecture ne vous semble pas hors contexte. Il faut savoir que Zorro a « existé » mais pas tout à fait de la sorte dont on le connaît. Comme dans toutes les légendes, il y a une partie fantasmée qui vient enjoliver la réalité. Bien avant Diego de la Vega, l’origine du Zorro serait due à un homme, et qui plus est, pas du tout mexicain. William Lamport, un aventurier irlandais, ou plutôt un petit révolutionnaire, d’abord en Espagne en essayant de fomenter une rébellion, puis après son arrestation et sa fuite au Mexique, rebelote ! Le monsieur était également un trafiquant qui se servait de l’argent de son trafic et du vol des plus riches pour préparer ses rébellions et s’occuper des plus démunis. Avec son organisation « Los Hermanos de la Hoja », ils avaient créé un code secret qui consistait à s’habiller et se masquer en noir pour protéger leur identité et surtout marquer les victimes avec un « Z » pour le mot Ziza (traduction de l’hébreu pour dire : splendeur). Il serait donc une des sources d’inspiration du Zorro.
Si je parle rapidement de ça, c’est que dans le titre de Sean Murphy, Zorro – D’entre les morts, l’auteur va revisiter le mythe de Zorro, mais également lui donner un goût de modernité comme il l’a fait avec son White Knight, en revenant à l’origine du Zorro et en mixant tous les éléments ci-dessus.
L’histoire a donc lieu dans le village de la Vega, le jour de la fête des morts qui est également le jour de la célébration de Zorro, le héros qui aurait, 180 ans auparavant, sauvé la vallée. Seule ombre au tableau lors de cette célébration : les cartels, forcément, ayant la mainmise sur la balle et notamment sur La Vega. Ils ne voient pas super bien l’idée de fêter un symbole de la révolution et de la rébellion, à tel point que cette année-là, tout va basculer pour Rosa et Diego, deux enfants présents à la cérémonie dont le père, grimé en Zorro pour l’occasion d’un spectacle, se fait littéralement assassiner devant leurs yeux.
De nombreuses années plus tard, Rosa et Diego ont grandi chacun de leur côté, mais l’heure de la vengeance se rapproche de plus en plus, surtout lorsque le chemin du cartel croise à nouveau leur route.
Je ne vais guère en dire plus sur le pitch car le titre est extrêmement rythmé et les 128 pages se lisent avec une vitesse incroyable. Murphy a bien les codes de la revisite, son scénario et ses dessins fonctionnent comme à son habitude parfaitement bien. Cette aventure n’est pas déplaisante, mais au même titre que les titres de Marc Millar, j’ai eu l’impression de lire là un pitch d’une idée qu’il souhaite vendre à Netflix, Amazon ou autre.
Les grandes lignes de l’histoire sont plutôt convenues, les rebondissements et raccourcis scénaristiques tombent toujours au bon moment et sortent du chapeau (de Zorro) juste quand il faut. C’est un peu trop facile. On retrouve exactement le même schéma narratif que sur The White Knight et encore pire, j’y retrouve tous les défauts que je déteste chez Millar, des idées à foison jamais exploitées qui sont là pour permettre à l’auteur de se faire plaisir. Alors oui, c’est à mon avis le but de ce titre, mais peut-être qu’en mettant quelques idées de moins, on pourrait en développer un ou deux de plus plutôt que de faire un raccourci scénaristique qui va débloquer une situation en deux cases et que tout le monde aura vue arriver.
Loin d’être mauvais cependant, c’est un titre que vous prendrez comme un épisode de séries Z. Vous savez comment ça commence et comment ça finit avant de débuter votre lecture, et vous n’aurez ni plus ni moins que ce que vous attendez, même si les idées géniales fusent.
Graphiquement, c’est du 100 % Murphy. Oui, je ne vous apprends rien, il y a de la course-poursuite, des voitures bien dessinées, des chevaux, des pistolets, des méchants très méchants, des gentils au passé douteux repentis, des papis séniles mais pas trop. Le tout fonctionne bien et est mis en couleur par son coloriste habituel, ça fonctionne comme toujours, mais je trouve que ça manque d’un petit truc. J’ai eu l’impression de lire un ersatz de son Batmanavec moins d’intérêt. Malgré le dessin des personnages, ça reste du déjà-vu, les planches sont belles mais pourraient avoir des compositions un poil plus recherchées. Le mélange modernité et tradition avec les grosses cylindrées qui se tapent la bourre avec Tornado, ok, mais ce n’est pas crédible deux minutes. Ce n’est plus Tornado, c’est Turbonadotellement il court vite, le bestiau.
Bref, vous l’aurez compris, le Zorro de Sean Murphy fait ce qu’on attend de lui : il nous divertit mais pas beaucoup plus. Les curieux ou nostalgiques y trouveront probablement leur compte tout comme les amateurs de l’auteur. Pour les autres, cherchant une revisite et une proposition du personnage et de l’univers plus poussée, ce n’est pas sur ce titre que je vous dirigerai, vous resterez sur votre faim.
Je pense à titre personnel que je me suis lassé de Murphy sur ses aventures en solitaire. Lorsqu’il est accompagné d’un scénariste solide c’est agréable, mais lorsqu’il se fait plaisir tout seul il me manque ce je-ne-sais-quoi qui jusque-là était compensé par son trait. Ici, même son trait n’a pas su m’impliquer convenablement dans sa proposition et c’est dommage parce que je voulais vraiment une aventure du Zorro rafraîchissante.
Je n’irai pas jusqu’à dire que Sean Murphy signe son titre d’un Z qui veut dire zéro, mais de mon point de vue, on n’en est pas loin.
|