Dead Inside
Avec une couverture pareille, Dead Inside ne peut qu’attiser la curiosité du lecteur. En le feuilletant rapidement, le parti-pris graphique peut être déroutant, mais qu’en est-il si on va au-delà ?
Linda Caruso est une inspectrice d’une unité chargée des crimes en milieu carcéral. Ce n’est d’ailleurs pas facile pour elle, vu que ce n’est pas ce qu’elle voulait faire dans la police. En plus, allez mettre un petit bout de femme au milieu d’une prison pleine d’hommes et vous vous retrouvez avec des invectives dignes du Silence des Agneaux. Bref ! Un crime a été commis au centre de détention du Comté de Mariposa. Le gros [dans tous les sens du terme] balaise qui menait la prison à la baguette s’est fait sauvagement assassiné par la « crevette » du zonzon. Il l’a tellement lardé de coups de couteau que sa poitrine n’est plus qu’un trou béant. Et il a conclu son méfait en allant se pendre ensuite. Tout est filmé, tout est corroboré : enquête close. Sauf que Linda trouve ça carrément louche et va poursuivre les investigations.
Un scénario de John Arcudi n’est pas à prendre à la légère. Si on le retrouve récemment, et majoritairement, sur Hellboy, il ne faut pas oublier qu’il a signé des scenarii de Batman, Conan, ou qu’il a débuté en dirigeant sa propre collection chez [feu] Malibu Comics. Du coup, il nous sert une histoire toute en polar, basée sur des suppositions et le fait qu’il ne faut pas toujours croire ce qu’on voit. Intelligent, son scénario ne tombe pas dans la critique sociale du milieu carcéral, mais plutôt dans une acceptation de la nature humaine. Que ce soit pour les prisonniers, mais également les gardiens et les policiers en général. Si un chien ressemble à un chien, c’est que ce n’est pas un chat. Eh bien, non. Faisons fi de toute inférence et cherchons la vérité, même si ça pique là où il ne faut pas. En cela, en plus d’une histoire intelligente, la caractérisation des personnages est réaliste. Il ne sont ni too much, ni pas assez. Des vrais gens de la vraie vie, quoi. Avec leurs qualités et leurs défauts, qu’ils essaient de surmonter pour devenir meilleurs. Ou pas.
Je vous disais en préambule que le parti pris graphique de Toni Fejzula pouvait être déroutant, voire vous faire vous dire dès le feuilletage : « Beurk ! C’est dégueulasse, j’achète pas. » À vous de voir. C’est vrai que le trait est particulier, mais si on se réfère aux notes de fin de volume, on s’aperçoit que c’est intentionnel. L’artiste a voulu justement donner cette ambiance un peu pourrie qui transpire des planches et qui est dûe à l’utilisation [voulue] de pinceaux à encre très usés. Alors oui, c’est sale, mais ça colle à l’histoire.
Pour les personnages, pas de bimbo roulée comme comme un avion de chasse ou de héros à la musculature parfaite. Ils sont, là encore, totalement ancrés dans le réel. Et ça : j’adore ! Enfin des gens normaux dans un comic. Y’a des gros, des rachitiques, des moches, des noirs et des blancs. L’héroïne a les hanches larges [pour ne pas dire un gros cul] et elle flirte avec un gars qui porte bien sa bouée. Normaux, je vous dis !
Belle découverte que ce comic « de prison », que l’on comparerait plus volontiers à Usual Suspects qu’à Prison Break, dans la construction de son pitch. Se démarquant de la production mainstream, tant sur le thème, l’histoire, que le graphisme, c’est en soi un pur comic indé comme on les aime.
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