Le Sauveur
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Le Sauveur

Todd McFarlane, c’est surtout Spawn. Mais, de temps en temps, il lui arrive d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte ou, dans le cas de Le Sauveur, si le ciel est plus clément.

La petite ville de Damascus vit un drame : un avion de ligne vient de se crasher sur l’autoroute ! Ouvert en deux, tel une boite de conserve rouillée, il disperse ses passagers dans les champs alentours et écrase au passage un bon paquet de voitures. Des décombres, émerge un homme, nu et couvert de sang, portant dans ses bras une fillette. Apparemment, tous deux sont indemnes. Sauf que l’homme souffre de perte de mémoire et ne se souvient d’absolument rien. Cassie, journaliste de renom et enfant du pays, premier témoin du crash, va couvrir les événements. Petit à petit la rumeur enfle autour de cet homme mystérieux. Il aurait des pouvoirs quasi-divins [on parle au niveau biblique, là] et une certaine similitude avec un autre Sauveur, apparu il y a un peu plus de deux millénaires…

Dans le scénario, co-signé par McFarlane et Brian Holguin, on retrouve bien ce que je me vois obligé de qualifier « d’obsession » de McFarlane pour la religion. Comme dans Spawn, son héros revêt une dimension messianique. Encore plus même. Du début à la fin, l’identité du Sauveur restera inconnue, tout comme la vraie nature de ses pouvoirs. Puissant, humble, ne cherchant qu’à aider son prochain et éviter la publicité, cet homme est un véritable Jésus Christ 2.0.

Les auteurs dressent également le portrait d’une Amérique puritaine, rurale, touchée de plein fouet par un drame. Ce qui est dommage c’est qu’ils ne s’intéressent pas assez à leurs personnages secondaires, là où leur motivations, doutes et espoirs auraient réussi à enlever le récit. Un traitement de l’histoire à la Stephen King aurait permis à ce titre de dépasser le stade de fable pour le hisser au rang de grande histoire. McFarlane et Holguin se rattrapent néanmoins, un peu avec le personnage de Malcolm, un jeune catholique paumé ayant perdu la foi en son Dieu et se cherchant une religion de substitution [Mcfarlane lui-même?]. En adoration devant ce nouveau Sauveur (veau d’or ?), il ira jusqu’à faire des choix extrêmes pour prouver à la face du monde que sa croyance est celle que les autres doivent suivre.

Dans un contexte où les sectes sont considérées comme des religions à part entière aux États-Unis, où les télévangélistes pénètrent dans tous les foyers, on est en droit de se poser des questions sur le message que veulent véhiculer les auteurs. Comme le scandent les personnages dans la B.D, est-ce que Dieu nous hait ?

Un scénario aussi complexe aurait tendance à écraser le dessin de son poids. Heureusement, Clayton Crain nous propose des planches superbes. Si, dans l’ensemble, la mise en pages est plutôt réussie, la scène du crash est un moment d’anthologie. J’ai été frappé de plein fouet par la double page où l’avion est sur le point de s’écraser. L’Art [avec un « A » majuscule, oui. C’est mérité] de Clayton est poussé à son paroxysme et on sent presque le poids de la carlingue au-dessus de nous. Si le reste n’atteint pas le même niveau, Crain nous propose presque 200 pages magnifiques, dans un style léché flattant l’œil.

Une approche plus large de l’histoire, ou simplement orientée légèrement différemment, aurait permis de ne pas perdre le lecteur en cours de volume. Certaines pistes scénaristiques méritent d’être plus amplement développées, la fin abrupte laissant également penser qu’une suite serait envisageable. Le Sauveur est donc un exutoire pour les grandes questions existentielles de son créateur, qui aborde des thèmes récurrents dans sa bibliographie. Le tout servi par les superbes dessins de Clayton Crain.

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