La Relation Avatariale, partie 2
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La Relation Avatariale, partie 2

         Bonjour et bienvenue à tous dans les Dossiers de GL ! Poursuivons le long sujet des problèmes que posent l’adaptation ! Et, plus précisément, les problèmes liés à la relation avatariale !

         Le problème lié au choix d’une personnalité découle d’une question propre au domaine vidéoludique : celle de l’avatar et de sa relation au joueur (Et inversement, d’ailleurs), ou « relation avatariale » selon Thomas Gaon (même si ce terme fait référence à celui d’Avatarial Relationship utilisé par Rune Klevjer). Tout d’abord, un avatar « est habituellement utilisé pour désigner ces ensembles d’informations, ou personnages numériques, qui représentent les habitants des mondes virtuels. L’avatar, en tant qu’identité projective, est le produit de l’interprétation du joueur et, en tant que système technosémiotique, est conditionné par l’interface », selon Fanny Georges. Cela signifie que l’avatar sera le point d’accroche du joueur dans un jeu, ce à quoi il « s’identifiera » et ce qui lui permettra d’interagir ; mais l’avatar représentera aussi un certain nombre de signes programmés par la machine, sans que le joueur n’y ait aucun pouvoir. Il faut savoir que contrairement aux autres médias, le jeu vidéo propose d’avoir un contrôle sur les événements qui entoure l’avatar. De ce fait, même quand l’histoire est toute tracée, le joueur a tout de même un rôle à jouer (sinon, il n’y a pas d’interaction et il ne s’agit alors pas d’un jeu vidéo). Le joueur ayant une main-mise sur le personnage, l’histoire en sera donc modifiée ; au-delà même de la simple modification due aux choix, car le gameplay est une forme de narration. « Ainsi, en prenant pour exemple Super Mario Bros, [Dominic Arsenault] démontre que, même si le récit enchâssé “vaincre Bowser et sauver la princesse” ne subit aucune variation en fonction des performances du joueur, l’expérience de ce récit sera tout de même très différente si le joueur a échoué dix fois avant de vaincre le boss ou s’il l’a battu dès la première tentative. Ou encore : l’expérience sera différente s’il le fait tomber dans la lave ou s’il le bat en utilisant des boules de feu. », comme le dit Fanny Barnabé dans l’ouvrage Narration et jeu vidéo. Pour une exploration des univers fictionnels. Par conséquent, l’expérience de jeu sera différente pour tout un chacun, car au-delà de l’histoire scénarisée, les phases de gameplay créeront une histoire particulière pour chaque joueur, et même pour chaque séance (le joueur pouvant jouer plusieurs fois la même scène de manière différente).

         On observe alors trois formes de lien entre un joueur et son avatar : le processus énonciatif, le processus kinésique et le processus diégétique – en d’autres termes : l’interprétation, le mouvement et le récit environnant. Dans le premier processus, l’avatar est une « coquille vide » qui va laisser la place libre au joueur, lui permettant ainsi de s’identifier et d’entrer plus ou moins facilement dans l’histoire comme si il l’a vivait lui-même (le terme « coquille vide » est un abus de langage, car l’avatar n’est pas totalement vide : il a toujours une certaine forme, un visuel particulier ; et dans le cas d’un personnage, il est même doté d’une histoire, d’un passé, d’un nom, d’une personnalité qui lui est propre, etc). Dans le deuxième processus, l’avatar est une extension du joueur : ce dernier le fera bouger à sa guise comme s’il s’agissait d’une extension de ses membres. Enfin, dans le troisième processus, l’avatar est un apport de connaissance pour le joueur. Il peut s’agir ici d’un personnage qui évolue (un personnage qui aura petit à petit des cicatrices ou des marques de ses différents combats — comme le costume de Batman qui se détériore au fil de l’aventure ; démontrant au joueur que l’expérience qu’il vit a des conséquences directes —, une armure récupérée dans telle ou telle quête, etc.), ou bien il peut aussi s’agir d’un personnage appartenant à un autre univers, rappelant alors l’endroit d’où il vient et les règles qui vont avec (Dans la saga Kingdom Hearts, l’arrivée dans les différents mondes de Disney  — ou de Square Soft/Square Enix, pour les personnages de Final Fantasy ou de The World Ends with You — entraînera un apport de nouvelles règles, connues du joueur, s’il a vu l’œuvre originale).

         Ces trois processus de lien entre l’avatar et le joueur font que chaque avatar est différent : bien que les joueurs ne contrôlent qu’un seul et même avatar (Mario dans Super Mario Bros, Link dans The Legend of Zelda, ou Spider-man dans le jeu éponyme de 2000), leurs différentes expériences de jeu vont créer une multitude d’avatars différents. Quoi qu’il en soit, cette relation entre le joueur et l’avatar est bien défini entre « le joueur et l’avatar et non de joueur vers l’avatar. Il ne s’agit pas d’une relation d’objet. » comme l’explique Thomas Gaon.

         Il y a plusieurs formes d’avatar : Fanny Georges distingue l’avatar-marionnette, l’avatar-masque et l’avatar-mouvement. En somme, il s’agit pour le premier cas de personnages prédéfinis par le jeu et ayant une allure identique pour tous les joueurs. Le second est l’avatar modifiable par le joueur, visible très souvent dans les MMORPG (semblable au jeu de rôle papier) : le personnage que le joueur contrôlera disposera des traits que ce dernier lui définira, car il aura la possibilité de modifier les différents aspects du personnage (de son visage à sa tenue, en passant par sa morphologie, ses caractéristiques, sa voix et ses mouvements). Chaque joueur aura donc un avatar qui lui sera propre aussi bien au niveau du récit qu’au niveau de sa personnalité et/ou du visuel. Enfin, le dernier est dû aux avancées technologiques telles que la capture d’écran, la réalité virtuelle ou les écrans tactiles ; et l’avatar disparaît au profit des actions du joueur. La frontière entre la machine et l’homme tend peu à peu à disparaître.

         Il faut alors différencier, parmi ces diverses formes, deux types d’avatar : l’avatar véhiculaire et l’avatar/personnage. L’avatar véhiculaire ne sert que de réceptacle pour le joueur, il n’a pas de nom, pas de passé, pas d’histoire, une forme souvent très peu travaillée, etc. On peut par exemple citer la barre de Pong, la voiture de Pole Position ou encore la barre dans les jeux de casse-brique. À l’inverse, Thomas Gaon explique que « le personnage reposerait par la fiction sur la représentation imaginaire et narrative propre aux identifications communes du spectateur. À la différence de l’avatar véhiculaire, le personnage existe indépendamment de la “main-mise” du joueur, au sein d’une relation d’objet fondée sur (la perception de) l’image du personnage. Le personnage possède outre ses traits, éventuellement son nom, son histoire, sa personnalité, un degré d’autonomie et de réflexivité. Tous ces traits caractéristiques du personnage sont autant d’éléments inutiles pour définir l’avatar véhiculaire (…). Selon cette distinction, les concepts de “avatar” et de “personnage” vidéoludiques n’appartiennent pas au même ensemble logique et ne peuvent pas être utilisés l’un pour l’autre. Il est ainsi des avatars qui n’ont pas le statut de personnage et des personnages qui ne sont pas soutenues par des avatars, tels que les personnages non-joueurs. La relation d’identification unissant le personnage fictionnel au joueur est motivée par un désir et se constitue sur la base d’un partage incomplet de similitudes ou de symboles permettant d’affirmer que celui-là est à la fois similaire et différent de soi. » En d’autres termes, bien que le joueur contrôle l’avatar/personnage comme s’il s’agissait de lui-même, l’avatar/personnage aura tout de même un passé, des relations, des suppositions ou même des réflexes qui garderont le joueur dans un état quasi-quantique : à la fois lui-même et à la fois quelqu’un d’autre. Il fera à la fois ses propres choix, mais dans un panel de choix défini par quelqu’un d’autre.

         Voilà, arrêtons-nous là pour aujourd’hui ! On se retrouve dans deux semaines pour clore ce Dossier sur la relation avatariale !

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