Interview Florent Maudoux
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Interview Florent Maudoux

Aujourd’hui, c’est l’heure de l’interview de Florent Maudoux, rencontré lors du FIBD 2020, nous avons pu échanger, pour ceux que ça intéresse vous retrouverez la version audio au format Chronicles


F. : Bonjour Florent.

Florent : Bonjour.

F. : Je vais prendre un peu de ton temps. On va parler de Freaks’ Squeele, un petit peu de Midnight Tales et du label 619. Pour commencer, l’actu du moment c’est Freaks’ Squeele Funérailles T6, est-ce que le lecteur qui arrive aujourd’hui au festival peut attaquer avec ce tome sans avoir lu la suite ?

Florent : Alors, Funérailles T6 c’est le sixième tome d’un spin-off de Freaks’ Squeele. Tu peux commencer Funérailles T1 sans avoir lu Freaks’ Squeele. Tu peux aussi lire Rouge, sans avoir lu Freaks’ Squeele. Tu peux aussi lire Masiko sans avoir lu Freaks’ Squeele. En fait, tous les spin-off. Je veux pas prendre les gens en otage. Je veux proposer des BD qui puissent picorer comme ils veulent. Faut savoir que Funérailles quand même c’est une série séparée aussi si tu veux comprendre le 6e tome vaut mieux avoir lu les 5 d’avant. Voilà c’est tout ce que j’ai à dire là-dessus.

F. : Oui, comme une série standard on démarre pas au tome 6. C’est pas un point d’entrée pour la série.

Florent : Non, c’est pas un point d’entrée. En principe, tu peux lire le tome 4 séparément mais c’est vraiment une exception.

F. : T’as parlé justement de Masiko. Moi c’est le premier que j’ai lu sur tes travaux. Donc j’ai lu Masiko, qui m’a fait après passer sur des Doggybags. Est-ce que Masiko c’était prévu à la base sur un tome one-shot ou juste c’était des short stories « Doggybags » ?

Florent : C’est ça c’est la seconde option. C’est-à-dire que au départ c’était vraiment des short stories pour Doggybags faites pour des formats courts, et au bout de deux histoires Doggybags je me suis dit tiens. J’en ai proposé une troisième à Run pour Doggybags. Au point de vue narratif, c’était trop différent de la ligne éditoriale Doggybags, du coup on s’est dit ben on le sort directement comme ça en recueil. La troisième histoire a servi de « prétexte » pour sortir ce recueil de trois histoires courtes, « Masiko ». Et effectivement, ce qui est super intéressant comme tu dis, c’est qu’il y a une porosité entre l’univers Masiko, l’univers Doggybags et donc aussi l’univers Freaks’ Squeele.

F. : Du coup, on peut imaginer voir une sorte de crossover ou quelque chose comme ça, entre peut-être des Doggybags autre interagir avec tes séries ? C’est pas quelque chose qui te plairait ?

Florent : Si pourquoi pas ! C’est juste qu’on avait jamais envisagé le truc mais pourquoi pas ouais.

F. : Du coup, tout cet univers, il y a Freaks’ Squeele, Rouge, Masiko… Tout cet univers, est-ce que t’as un plan ou ça vient au fil des tomes, au fil de l’histoire ?

Florent : Si, j’ai un plan. Grosso modo, les gens qui vont te décrire l’écriture d’une série, ils vont souvent te dire la même chose. C’est-à-dire que, ils ont une idée de la fin, mais entre les deux, ils vont laisser les personnages, les événements influer sur l’histoire, donner un peu d’organique à tout ça. Parce que quitte à programmer toute ton histoire, si tu veux vraiment le programmer à fond, faut faire un one-shot. Tu fais ta BD et tu la proposes aux gens. Mais dès l’instant où tu vas faire ton tome 1, tu vas le proposer aux gens, ils vont te faire des retours de ce que t’as écrit, ça va influer sur le tome 2 et ça va rendre l’histoire organique. Et ça c’est une écriture de série, de sa réalisation. J’ai une idée de ce que je veux raconter, j’ai une idée du propos, de l’univers de Freaks en règle générale, je sais qu’est-ce que je veux raconter et qu’est-ce que je veux exprimer mais je me laisse des libertés quand au déroulement du plan.

F. : En fait, t’as ta trame principale et derrière c’est un peu libre cours.

Florent : C’est ça. Et des fois, je me fais surprendre par des personnages. Y’a des personnages qui prennent de l’importance alors que j’avais pas prévu qui prennent de l’importance, parce que je vois qu’il y a, non seulement à moi mais aussi au lecteur, je vois que ça parle aux gens. Et quand tu vois que ça parle à quelqu’un tu te dis pas « non non je vais ignorer ce sentiment-là, je vais le mettre de côté ». Non tu te dis qu’est-ce que je peux en faire, est-ce qu’il y a quelque chose à faire avec cette énergie-là. Et à partir de là tu lui consacres du temps, tu lui consacres des albums et donc ça créé des fils narratifs qui sont un peu une digression par rapport au fil principal mais ça rend le côté organique justement de la série. Et cette liberté là, elle est importante je pense dans l’écriture à la française aujourd’hui parce qu’on n’est pas dans l’efficacité marketing. Y’a une œuvre à faire et tant qu’auteur je suis au service de cette œuvre et le système éditorial français me permet d’être au service de cette œuvre sans forcément avoir des contraintes éditoriales très fortes. Parce que les contraintes éditoriales vont forcément influer sur l’œuvre. Et aujourd’hui on a cette chance.

F. : Ben justement ma question d’après c’est un peu ce principe. Ce tome qui sort là, c’est le premier tome entre guillemets depuis que le label 619 s’est émancipé sous forme de studio de création.

Florent : Alors le premier tome pour mes titres à moi.

F. : Oui oui. Du coup est-ce que ça a eu une influence sur ta façon de travailler ou t’as pas ressenti ça ? Est-ce que tu avais des contraintes avant dues à la structure de Ankama ?

Florent : Ben non en fait on a toujours été « protégé » au sein d’Ankama et même Ankama est un éditeur assez libertaire mais on était protégé par Run. Run qui dirigeait la maison d’édition plus ou moins et qui dirigeait vraiment le label 619. Il faut voir que Freaks c’est l’un des premiers titres 619. A partir de là, Run a toujours laissé énormément de liberté. Il a toujours protégé mon travail et parfois il a même protégé mon travail de moi-même parce que moi-même j’ai eu des idées bizarroïdes qui sont passées. Il a dit « Florent questionne vraiment ta série pour savoir si c’est ce que tu veux vraiment faire ou si c’est parce que t’as juste une inspiration, une illumination qui est un peu bizarroïde ». Et ouais je pense qu’il y a eu un vrai travail de symbiose et de travail commun sur le label 619. Et du coup, le fait que la maison d’édition on se soit émancipé, finalement ça a pas changé grand-chose puisqu’on est toujours avec Run, on est associé. Effectivement, le statut les uns par rapport aux autres a changé mais en réalité dans les faits, on est ce qu’on a été depuis le début.

F. : Du coup, on t’a aussi vu sur le tome 2 de Midnight Tales.

Florent : Et 3.

F. : Oui mais la première histoire que tu as faite c’est sur le tome 2, après tu es revenu avec le 3. Comment vous avez abordé ce projet ? Comment vous l’avez mis en place ? C’est Mathieu Bablet qui a chapeauté le tout, mais vous derrière, comment vous vous êtes organisés ? Toi principalement sur ta série ou vous…

Florent : Oui tu peux dire vous parce que en fait j’ai bossé un petit peu avec Mathieu et surtout avec Rebecca Morse. Je vais t’expliquer comment ça c’est passé. En fait, à propos de Midnight tales 2, y’a un auteur qui nous fait faux bond, qui livre en retard grosso modo, on sait qu’il va livrer en retard et ça va foutre en l’air la sortie du Midnight tales 2. Donc moi je dis… à l’époque, on s’émancipe d’Ankama en plus à ce moment-là, 619 sort de Ankama, donc je dis « écoutez les gars moi en deux mois, je peux tomber les 20 planches… non c’était même pas en deux mois, c’était en un mois et demi, je peux tomber 20 planches sur un Midnight tale, par contre on n’a vraiment pas beaucoup de temps. Donc pour l’écriture, Mathieu me lance des postes, moi je dis c’est pas possible j’aurais pas le temps, une autre piste, je lui dis non c’est pas possible j’aurais pas le temps, et je lui dis écoute on peut faire une histoire sur la Winchester mystery house. J’adore cette histoire de maison hantée, elle est géniale. Et à l’atelier, Rebecca Morse, elle y est allée à cette maison-là, elle connaît le truc. En plus elle est bilingue, elle connaît bien la culture américaine. Du coup, je dis voilà je fais le faire mais je veux que Rebecca elle soit là en back-up, et que elle co-écrive l’histoire avec moi. On a bossé sur l’écriture, on a proposé une première version à Mathieu qui lui a pas plu, il nous a demandé de rebouger le truc. Pendant que je finissais Funérailles, il fallait que je travaille sur Midgnight tales 2, ça a été tout un mic-mac. Je finis par faire les planches, Rebecca et Mathieu bossent ensemble sur la fin du scnénar’. C’est comme ça que ça c’est passé. On a fini par fournir un truc. Mathieu a mandaté Faustin de Ravignan qui aujourd’hui est décédé… C’est une histoire triste mais en même temps on a la chance d’avoir les dernières planches de ce jeune auteur qui promettait beaucoup. C’est une histoire de fantômes avec des vraies gens qui ont bossé dessus, qui sont morts aujourd’hui, y’a une espèce de magie.

F. : Y’a toute l’ambiance qui est vraiment…

Florent : C’est surtout que ça parle du deuil aussi. Witch O’Winchester parle du deuil, des fantômes et de l’immortalité de l’âme.

F. : C’est une bonne histoire. De Doggybags à Midnight tales, chaque titre a quand même son univers, est-ce toi tu as une préférence pour travailler sur telle ou telle série ? Ou tu les appréhendes toutes de la même manière ?

Florent : Je les appréhende pas toutes de la même manière, c’est pas possible. Par contre, à chaque fois j’ai des étincelles. Et si j’ai pas l’étincelle, l’inspiration, je le fais pas. Si je le sens pas au fond de mes tripes, je vais pas réussir à rendre justice au travail qu’il y a à faire. Ça c’est passé aussi comme ça pour Heart breaker, tu sais l’histoire avec Katsuni. Et donc là, c’était co-écriture avec Run, Katsuni et moi, et ça a pas toujours été simple parce que quand t’es à trois c’est compliqué. Ça c’est quand même bien passé, c’était cool, avec Céline Tran on s’est pris la tête mais c’était marrant. Aujourd’hui on en rigole et c’était une super expérience pour tout le monde. Et tu sais quoi, je regrette rien. C’est que des super histoires. Et je suis super content d’avoir bossé avec chacune des personnages avec qui j’ai bossé. Si une histoire ne génère pas, ne vient pas d’un besoin, ben je préfère pas la faire.

F. : C’est vraiment au coup de cœur en fait.

Florent : Ouais c’est ça, au coup de cœur. Et en fait chez 619 on bosse toujours comme ça. Y’a toujours ce côté, le noyau du projet doit avoir une âme et cette âme, elle doit nous parler à nous en tant qu’êtres humains. Parce que sinon ça nous donne pas envie de bosser. Tu vois, le métier dans la bande dessinée il est tellement dur et aujourd’hui on en discute encore parce que des auteurs qui crèvent la dalle et qui crèvent tout court dans le milieu de la bande dessinée ça existe. Moi j’ai de la chance, je touche du bois, d’être dans le métier et d’en vivre, mais y’a tellement d’auteurs qui arrivent pas à joindre les deux bouts. Et aujourd’hui faire de la bande dessinée c’est un métier de misfits… On est des extra-terrestres quoi. Si t’as pas au moins la passion, faut pas le faire ce métier. Si t’as pas le besoin viscéral de faire de la bande dessinée mais fais autre chose, fais de l’illustration dans du jeu vidéo parce que tu gagneras mieux ta vie dedans. Et c’est ce qui se passe hein. Tous mes potes ils désertent la bande dessinée, ils veulent pas en faire, ils veulent pas en entendre parler parce que c’est trop dur. Y’a des gens qui rêveraient de faire de la bande dessinée mais en fait ils gagnent tellement mieux leurs vies en illustrateurs qu’ils veulent pas y aller.

F. : C’est dommage.

Florent : Oui, c’est dommage. Y’a des histoires qui trouveront pas de dessinateur parce que y’a quelqu’un qui peut pas le faire parce que c’est pas possible.

F. : Ce côté très humain/passionné on le voit aussi globalement chez tous les auteurs du label 619. Vous êtes très actifs que ce soit sur les réseaux sociaux, sur Twitter, sur Instagram… Guillaume Singelin dès que y’a une question il est dispo, Run pareil, Sourya pareil. J’ai pu le rencontrer et échanger avec lui via internet. Je trouve c’est un peu ce qui fait le cœur du label 619, on le retrouve dans les histoires que vous proposez… Je trouve ça important. Est-ce qu’entre vous… Moi de l’extérieur, en tant que lecteur, on a l’impression que vous êtes un groupe très soudé, une espèce de forte amitié.

Florent : C’est une aventure humaine.

F. : J’imaginais avec le studio de création et le label 619 peut-être des choses nouvelles que la BD ou comme des adaptations…

Florent : C’est des choses auxquelles on pense ouais. Faire des bibles graphiques, travailler avec le cinéma, c’est des choses auxquelles on pense.

F. : On peut voir arriver… Si vous avez le projet, le coup de cœur, la possibilité, c’est possible ? C’est des choses qui vous intéressent ?

Florent : C’est possible oui. Travailler dans le cinéma. Ben tu vois, Run, il a ouvert une voie avec son film.

F. : Oui avec Mutafukaz.

Florent : Donc voilà à partir de là tout est possible. Nous on se ferme aucune porte. On est ouvert aux propositions. Après ça, le cinéma c’est compliqué. J’ai tigé dans le dessin animé, je sais que les budg’ c’est… Un montage cinéma c’est compliqué, Run il a l’expérience avec Mutafukaz, mais oui… faire de la création comme à l’époque on en fait sur Alien, Star Wars et Dune, c’est des choses qui nous botteraient à fond. Parce que tu vois Mathieu Bablet, Singelin, Run et moi, on a des univers qui si quelqu’un veut nous faire bosser dessus mais allez-y proposez ! Mais par contre oui effectivement, il faut savoir un truc c’est que moi mon premier amour c’est la BD. Donc il faudrait que je trouve le juste milieu.

F. : On peut imaginer… Enfin, ton premier amour c’est la BD mais par exemple, Lastman, c’est parti d’une BD, y’a eu un peu du crossmedia, on peut imaginer des choses comme ça.

Florent : Ah oui, tout est possible.

F. : Y’a des univers…

Florent : Présente-moi un réalisateur, un producteur qui est motivé, qui aime ce qu’on fait pour de vrai, qui est compétent, mais ouais ok pas de soucis. On bosse ensemble. Voir on fait des modifications graphiques pour que ça colle, y’a aucun problème.

F. : Du coup, je vais conclure cette petite rencontre sur ton actu à venir. Tu as des projets prévus, de longue série/courte série ?

Florent : Ouais ben avec Rebecca justement on a un projet, un 4 mains sur celle qui soigne les élèves de la fac de Freaks’ Squeele. C’est-à-dire que les supers héros ils ont des supers pouvoirs c’est-à-dire qu’il y a de supers effets secondaires quoi… Du coup, ces gens-là pour les soigner il faut des gens extraordinaires. Et ça raconte l’histoire de ces gens-là. La meuf pour soigner des supers héros ? elle fait des tatouages mais à l’encre invisible. On bosse sur ce projet-là avec Rebecca, on le présentera en septembre. Il sort en septembre. C’est un projet ça fait longtemps que je voulais le sortir il a failli s’appeler Magical Val parce qu’il y aura Valkyrie dedans voilà c’est un gros projet qui sort enfin. Ça va être bien.

F. : Et ben merci ! C’est très cool.

Florent : Merci ! Je t’en prie.

One thought on “Interview Florent Maudoux

  1. Très chouette comme Interview !

    Je n’ai pas encore lu Funérailles par contre… mais j’ai fait l’intégrale de Freak’s Squeele =)

    Le retour de Val !!! Excellent !! ^^

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