L’imaginaire collectif et le Mythe
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L’imaginaire collectif et le Mythe

Bonjour et bienvenue à tous dans les Dossiers de GL ! Cette semaine, nous aborderons le sujet du mythe. Au travers de sa définition, nous verrons pourquoi le mythe et le canon des adaptations deviennent parfois plus importants que ceux des œuvres originales.

Le mythe peut avoir deux définitions simples : il peut s’agir d’un ensemble de récits imaginaires présentant des personnages fictifs (le mythe « légendaire »), ou bien d’une représentation déformée ou amplifiée par l’imaginaire collectif et les croyances populaires (le mythe « illusoire »). Lorsqu’on parle du mythe d’un personnage de comics, il s’avère que ces deux définitions se rejoignent. En effet, si l’on parle du mythe de Batman, cela inclura l’ensemble des récits imaginaires mettant en scène le « Justicier Masqué » ; qu’il s’agisse des comics, des films, des jeux vidéo, des séries, des romans, etc… Toutes les aventures et péripéties du personnage compilées forment le mythe. Ainsi, le mythe d’un personnage contient des récits contradictoires, des récits ne mettant pas en scène le même personnage (dans le sens du « personnage ayant une personnalité propre et distincte » et non du « personnage que représente Batman », bien évidemment), des récits plus ou moins connus du grand public ; en somme, le mythe n’est pas un ensemble cohérent, mais un ensemble d’histoires probables qui peuvent ou non cohabiter.

Cependant, si l’on parle du mythe de Batman, il s’agit aussi du mythe ancré dans la culture populaire : ce que l’imaginaire collectif entend lorsqu’on traite du sujet. Pour rappel, l’imaginaire collectif correspond au réseau d’associations d’idées et d’images qu’un groupe donné perçoit lorsqu’il pense à un sujet précis (il peut s’agir d’un groupe culturel, d’un groupe régional, d’un groupe d’âge, etc.). Ainsi, les versions les plus célèbres de Batman seront amplifiées par les croyances populaires, au détriment d’autres. Qui plus est, bien que Batman soit à la base un comics, le grand public est plus influencé par le cinéma et les jeux vidéo que par l’univers de la bande dessinée – pour la simple et bonne raison qu’il se vend plus de films et de jeux vidéo tirés de comics que de comics eux-même, particulièrement en France. Ces dernières années, par exemple, on peut noter que le jeu vidéo Batman Arkham Knight sorti en France le 23 juin 2015 a été dans le top des ventes de jeux vidéo en France pendant plusieurs semaines (1er et 2ème dans les semaines du 22 juin au 5 juillet, 2ème et 3ème dans la semaine du 6 au 12 juillet, 1er dans la semaine du 13 au 19 juillet, et 2ème dans la semaine du 20 au 26 juillet) et le jeu s’est vendu à plus de 427 000 exemplaires, rien qu’en France (D’après http://www.vgchartz.com, au 11 février 2017, il y avait 95 302 exemplaires vendus sur Xbox One, 327 363 exemplaires sur Playstation 4, et 4 638 sur PC).

De même, le film Batman The Dark Knight a cumulé 4 384 748 entrées dans les cinémas français (dont 1 835 547 dès la première semaine) et est resté dans le top 6 du box-office français durant 7 semaines; et le film Batman v. Superman : l’aube de la justice a cumulé 2 500 643 entrées en France (dont 1 251 205 durant la première semaine) et est resté dans le top 4 du box-office français du 23 mars 2016 au 19 avril 2016.

Comparés à ces chiffres mirobolants, les comics Batman format librairie, publiés par Urban Comics, ne sont pas les comics les plus tirés en territoire Francophone, et ne sont imprimés qu’à seulement 25 000 exemplaires, maximum (comme vu sur l’image ci-dessous). Parallèlement à ces comics-ci, Urban Comics publie également des fascicules de Batman, qui ne font pas partie des 10 fascicules les plus tirés en Europe francophone (comme vu dans l’image ci-dessous), et ne sont tirés qu’à 19 240 exemplaires environ. En outre, il ne s’agit là que du nombre de tirages d’exemplaires et non du nombre d’exemplaires vendus ; et les chiffres donnés concernent les territoires francophones européens et pas seulement la France.

Somme toute, plus de 427 000 français connaîtront le jeu vidéo Batman, plus de 2 000 000 de français (et plus de 4 800 000 pour le film Batman The Dark Knight Rises) auront vu les films où Batman apparaît au cinéma (sans compter les gens qui auront pu le voir, par la suite, en DVD ou en VOD), et seulement environ 44 000 français auront peut-être pu lire les comics Batman.

Paradoxalement, donc, ce sont les adaptations qui influenceront le plus la culture populaire et l’imaginaire collectif ; et par extension, le mythe autour du personnage de Batman. Et bien entendu, cet exemple ne s’applique pas que pour Batman. On peut également constater dans la liste ci-dessus que les comics des Simpson sont tirés à environ 50 000 exemplaires, alors que le prime des Simpson diffusé sur W9 est regardé par 400 000 téléspectateurs environ chaque semaine (d’après Médiamétrie), et que le film sorti en juillet 2007 a fait 3 444 824 entrées en France durant sa diffusion au cinéma, dont 1 420 883 la première semaine. De même, le comics fascicule Star Wars est tiré en 45 000 exemplaires, et le comics Voyage vers Star Wars – Le Réveil de la Force à 35 000 exemplaires seulement, quand le film Star Wars – Le Réveil de la Force a fait 10 466 198 entrées en France, dont 3 801 235 dès la première semaine. D’ailleurs, ces quelques chiffres nous permettent de remarquer que, pour la plupart des succès commerciaux et critiques, en France, les ventes de bandes dessinées se comptent en milliers d’exemplaires, les ventes de jeux vidéo et les visionnages de séries en centaines de milliers, et les entrées au cinéma en million. Pour comprendre ces chiffres, il est important de noter que le visionnage d’un film peut demander « une expérience de groupe alors que la lecture d’une BD est une activité plutôt solitaire », comme l’a dit Ian Gordon dans La Bande dessinée : une médiaculture. À côté de ça, le visionnage de séries et la pratique du jeu vidéo peuvent très bien se faire seul(e) ou en groupe et sont victimes d’une bien plus importante consommation que la lecture quelle que soit sa forme.

Il est d’ailleurs amusant de noter que, parfois, seuls l’imaginaire collectif et la vision populaire du mythe d’un personnage permettent de comprendre des scènes de films, de séries ou même de comics. On peut citer, par exemple, les nombreuses blagues de Deadpool concernant des célébrités ou des politiciens, et les références à des films dans la série The Big Bang Theory (comme la référence que Sheldon Cooper fait au film Green Lantern à 1’30 de l’épisode 12 de la saison 5, notamment). Mais selon moi, la plus frappante de ces références, durant ces dernières années, a été celle faite au Joker et à Robin dans le film Batman v. Superman : l’aube de la justice. Durant la 47ème minute du film (en version longue), Ben Affleck – qui interprète Bruce Wayne/Batman – regarde dans une des vitrines de la Batcave, ce qui semble être le costume de Robin, affublé d’un tag disant « HAHAHA JOKE’S ON YOU BATMAN ». Les spectateurs comprennent alors que c’est le personnage du Joker qui a sans aucun doute fait le coup, et que le costume appartient bel et bien à un ancien Robin. Ils peuvent même en déduire que le Joker a probablement tué ledit Robin. Pourtant, dans l’univers créé par les films du DCEU (l’univers cohérent de DC comics au cinéma depuis 2013) – ne comprenant, à la sortie de Batman v. Superman : l’aube de la justice, que l’unique film de Superman : Man of Steel – les spectateurs n’ont vu ni le Joker, ni Robin. Cette référence n’est donc possible, auprès du public, que parce que ces deux personnages sont entrés dans l’imaginaire collectif comme étant respectivement la némésis et l’acolyte de Batman.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui ! On se retrouve dans deux semaines pour un nouveau sujet !

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