Adaptation de comics – Partie 3
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Adaptation de comics – Partie 3

Bonjour et bienvenue à tous dans les Dossiers de GL ! Cette semaine, nous concluons le sujet des adaptations de comics en nous concentrant en premier lieu sur l’adaptation de The Mask.

Le Mask est apparu pour la première fois dans Mayhem #1 en 1989, édité par Dark Horse. Les comics ont, par la suite été réimprimés sous le nom The Mask #0. Les suites, The Mask #1-4 et The Mask Returns #1-4, sont sorties respectivement en 1991 et entre 1992 et 1993. En 1994, Chuck Russell sort le film The Mask, avec Jim Carrey dans le rôle principal. Une série animée sort l’année suivante, en reprenant le style du film. La suite du comic-book voit alors le jour en 1995, et porte le nom The Mask Strikes Back. Entre 1995 et 1998, quatre autres séries de comics sont écrites, sans compter les nombreux crossover tel que The Mask/Marshal Law, Grifter/The Mask, ou encore Lobo vs. The Mask. Outre cette série de comics, on peut noter l’adaptation officielle du film en comics sortie en deux chapitres la même année que le film, ainsi que les comics tirés de la série animée, sortie entre janvier et décembre 1996.

Contrairement aux Men In Black, le Mask est une véritable adaptation des comics. On y retrouve tout un tas de points communs, de références, de dialogues, etc… Pour commencer, l’action se déroule dans la ville fictive d’Edge City, et les personnages qu’on y retrouve sont : Stanley Ipkiss, un homme banal, un peu déprimant, qui tombe par hasard sur le masque qui va lui changer la vie; le lieutenant de police Mitch Kellaway, qui va mener l’enquête pour retrouver l’homme au masque vert; et le Mask, qui donne une personnalité différente à son porteur, et qui lui confère des pouvoirs particuliers. On remarque que plusieurs scènes du film sont directement adaptées des premiers comics. Lorsque Stanley Ipkiss découvre ses nouveaux pouvoirs, il dit alors « Ces nouveaux pouvoirs vont faire de moi un super-héros. Et je vais devenir le protecteur des innocents, le défenseur de la paix mondiale. Mais avant toute chose… », avant de prendre sa revanche sur des personnes l’ayant bousculé plus tôt dans le film. Chose que l’on pouvait voir dans The Mask #06, à la page 8, Big-Head dit « Je savais que j’avais des capacités extraordinaires ! Je dois mettre ces pouvoirs au service de l’humanité, les utiliser pour protéger et servir les gens dans le besoin. Mais avant toute chose… », avant  d’aller mettre à feu et à sang le repère d’un gang qui l’avait bousculé dans les pages précédentes. On retrouve aussi la scène où il attaque ses garagistes avec des pots d’échappement ou encore celle dans laquelle il joue un vendeur de ballons, et fait alors une girafe, un caniche, puis une mitraillette, avant de canarder les personnes en face de lui.

Ce qui, au contraire, diffère complètement entre les deux versions, c’est le ton : les premiers comics étaient bien plus sombres que le film. Dans les comics, le porteur du Mask devient fou et change de personnalité, jusqu’à un point final où il finit par en mourir, par être jeté en prison, ou bien par réussir à s’en débarrasser définitivement. Tandis que dans le film, le Mask ne modifie pas la personnalité du porteur, sauf lorsqu’il le porte directement. Qui plus est, le Mask du comics est clairement le personnage principal de l’histoire (ce qui se confirme par le fait qu’à chaque nouveau comics, on rencontre un nouveau porteur), là où dans le film, Stanley Ipkiss est le héros. Et je dis bien héros. Car bien que présenté au départ comme une personne banale — qui n’est qu’un sous-fifre dans une banque, qui se fait arnaquer par ses garagistes avant de se faire salement jeter d’un night-club — dès sa rencontre avec le masque, il se transforme en héros, en essayant de sauver de la noyade ce qu’il croit être une personne. Là où dans les comics, la personne banale qu’est Stanley Ipkiss reste banale tout au long de l’histoire. Pour trouver le masque, il ne se jette pas à l’eau de façon héroïque : il l’achète dans une boutique au coin de la rue (banal, je vous dis).

Le film en ressort bien moins sombre que l’œuvre originale, et bien plus comique, avec quelques touches de cartoon. Il faut cependant savoir, qu’à la base, le film devait être bien plus sombre (Chuck Russell ayant jusqu’alors réalisé deux films d’horreur ; dont le troisième volet de Freddy Krueger). Mais le rendu ne plaisait pas aux producteurs. Le genre plus comique et cartoonesque a donc été choisi pour coller au style de l’acteur Jim Carrey.

Après la sortie du film — et la série animée qui servait de suite à ce dernier — le coté comique du film s’est fait ressentir sur la suite des comics. À la suite du film, le Mask ne fait plus peur, il ne semble plus dingue, comme cela pouvait être le cas dans les précédents volumes : comme dans le film, il fait des grimaces, et a l’air assez gentil. Le point important à noter, c’est aussi que Big-Head (le nom du Mask dans le comics) ne tue plus. Certains comics restent tout de même assez sombres, mais il faut attendre août 1998 — et le dernier volet comics du Mask en solo : Toys in the Attic — pour voir Big-Head tuer de sang-froid, à nouveau.

Avant ça, pas de mort, voire même pas de blessé. Et ce qui est amusant, c’est qu’on dirait que même les personnages du comics se rendent compte de ce changement de cap : quand, à la page 10 du second chapitre de The Mask Strikes Back, Big-Head sort une bombe de sa poche et que le commissariat explose, on pense naturellement que tout le monde est mort (sauf le Mask qui, bien sûr, survit a tout). Cependant, dans l’une des cases qui suit, on retrouve les policiers, tout noir, avec les cheveux hirsutes, comme des personnages de cartoon. L’un d’eux dit alors « …On… On devrait tous être morts. ». Le lecteur, ayant lu les premiers comics, et ayant apprécié leur côté sombre se fait alors la même réflexion. Le Mask a quitté son univers sombre et lugubre pour un autre univers (l’univers du cartoon, de la comédie).

            D’autres petits détails témoignent d’un changement de œuvre canon, notamment le fait qu’il semble douloureux et difficile d’enlever le Mask, ou encore qu’il forme une sorte de chewing-gum autour du visage du porteur, alors que ce n’était pas le cas avant, comme on peut le voir sur ces différentes images.

 

Ce que l’on peut remarquer grâce à ces deux exemples, c’est que le canon n’est pas forcément touché par une adaptation. Il peut rester le canon de l’histoire (par exemple, le film Men In Black est resté le canon de son univers malgré les nombreux jeux vidéo et la série animée qui s’en sont adapté), il peut rester le point central de son univers (comme vu avec Men In Black, ou l’adaptation ne faisait pas office de suite ou de refonte, mais de point de commencement d’un nouvel univers), ou être plus ou moins modifié (comme c’est le cas pour la saga du Mask).

Ce qu’il faut noter, c’est qu’une adaptation n’en reste pas moins une œuvre originale et unique. Les choix que fait le réalisateur, le jeu des acteurs, etc… font que même si l’histoire est, à la base, inspirée d’une autre œuvre, le film reste une œuvre à part entière. Et plutôt que de simplement reprendre l’œuvre originale, la nouvelle œuvre doit aussi s’adapter à l’époque où elle sort et au public auquel elle s’adresse. Comme le dit Renaud Dumont dans son livre De l’écrit à l’écran : « le problème essentiel posé par l’adaptation (…) n’est donc pas celui de la trahison (ou de la fidélité) par rapport à une œuvre d’origine, mais bien celui de l’émergence d’un nouvel objet culturel perçu comme tel par un autre récepteur, vivant dans un contexte différent de celui du lecteur initial. » L’adaptation ne doit pas juste coller parfaitement à ce dont elle s’inspire, mais bien créer un nouvel objet, une nouvelle forme, sur la base de l’œuvre originale. Cela devient d’ailleurs d’autant plus obligatoire du fait que le public et sa manière d’appréhender l’objet artistique n’est pas le même selon la discipline employée.

En somme, que l’adaptation finisse par avoir plus de succès que l’œuvre originale, au point qu’on en oublie cette dernière, et que d’autres adaptations voient le jour à partir de l’adaptation — et non plus de l’œuvre de base — n’est pas très dérangeant. Ce qui est plus problématique et qui amène davantage à se questionner, c’est lorsque l’adaptation inspire l’œuvre canonique, amenant ainsi les deux à inter-changer leur rôle. Si le canon est amené à changer, pour s’adapter à son adaptation, cela devient plus dérangeant, car cela revient à effectuer des modifications sur quelque chose qui ne devrait techniquement pas en avoir. Après tout, l’œuvre originale appartient à des auteurs, et se présente face à un public différent de l’adaptation. Donc, si des modifications sont apportées à une adaptation pour la rendre plus attrayante face au public qu’elle vise, en soi, ça ne pose pas de problèmes (même si ça peut risquer de perdre le public de l’œuvre de base). Mais appliquer ces modifications au canon de l’histoire de l’œuvre originale, c’est décider de perturber le public qu’intéressait ce dernier, pour le remplacer par un autre public — sans être sûr que cela plaira au nouveau public : les amateurs de films d’action ne vont pas forcément lire les comics qui en découleront, par exemple. Cela risque donc de ne plaire ni au public de l’œuvre originale, ni au public de l’adaptation qui en découle.

Voilà, c’est fini pour aujourd’hui ! Comme d’habitude, on se retrouve dans deux semaines pour un nouveau sujet !

 

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